La Voleuse d'hommes, Margaret Atwood, p. 30, 31 |
Je vous mettrai donc un extrait de la page 163 car c'est à cette page que j'ai repris ma lecture tout à l'heure. Nous sommes à l'ouverture du chapitre 17.
" Toute l'histoire s'écrit à l'envers, écrit Tony, à l'envers. "
Tony est une jeune femme passionnée par l'histoire. Elle enseigne dans une faculté tout en terminant sa thèse. Je ne peux m'empêcher de vous donner la suite de ce début de chapitre :
" Toute l'histoire s'écrit à l'envers, écrit Tony, à l'envers. Nous choisissons un événement significatif, nous examinons ses causes et ses conséquences, mais qui décide de son réel impact ? Nous, et nous sommes ici ; l'événement et ses participants sont là-bas. Ils ont disparu depuis longtemps ; en même temps, ils sont entre nos mains. Sous notre pouce, comme les gladiateurs romains. Nous les obligeons à recommencer leurs combats pour notre plaisir et notre information, alors qu'ils les ont menés pour des raisons entièrement différentes.
Pourtant, pense Tony, l'histoire n'est pas un véritable palindrome. Nous ne pouvons réellement la faire reculer, ni l'achever en un point précis. Trop de morceaux du puzzle ont disparu ; et nous en savons trop, nous connaissons le dénouement. Les historiens sont des voyeurs quintessentiels ; ils pressent le nez contre la vitre du Temps. Ils ne peuvent jamais se trouver réellement sur le champ de bataille, ni éprouver ces instants d'exaltation suprême, ou de chagrin intense. Leurs recréations sont au mieux des personnages en cire inégale. Qui choisirait d'être Dieu ? Pour connaître toute l'histoire, ses violents affrontements, ses mêlées, ses conclusions mortelles, avant même qu'elle n'ait commencé ? C'est trop triste. Trop démoralisant. Pour un soldat à la veille de la bataille, l'ignorance vaut l'espoir. Mais ni l'un ni l'autre ne sont le bonheur. "
La voleuse d'hommes, Margaret Atwood, 10/18, p. 163